C’est au début des années 80 que le bureau de la SBAP a décidé d’agrémenter l’assemblée générale biennale des sociétaires en organisant simultanément un concours à thème réservé aux seuls adhérents, peintres, dessinateurs, graveurs ou sculpteurs, dont le jury serait constitué de l’ensemble des participants eux-mêmes. Les AG étaient alors convoquées en fin d’année, c’est donc tout naturellement que le concours reçu l’appellation «Concours d’automne».
En 1996 le concours a pris le titre « Concours Jean Callerot » en hommage au pastelliste décédé en 1994.
La forte personnalité de Jean Callerot, sa joie communicative, son érudition et sa culture ont beaucoup apporté à ceux qui ont eu la chance de le rencontrer. Tant au plan humain qu’au plan artistique il fut un Vice-président très écouté. A près de 80 ans, il ne manquait pas d’enthousiasme et n’hésitait pas à faire chaque jeudi l’aller et retour de Sainte-Aulaye à Périgueux pour le plaisir de retrouver ses amis, le soir, à l’atelier de la Société des Beaux-Arts !
Jean Callerot s’exprimait surtout par le pastel gras dont il était un spécialiste reconnu.
Geneviève Callerot, son épouse, âgée de 102 ans, est membre de l'association des écrivains paysans dont elle a été une militante active. Elle est l'auteure de six romans dont le premier s'intitule Les cinq filles du Grand-Barrail. (voir Geneviève Callerot)
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Le jardin de Geneviève à la Mothe Rouge pastel gras |
Sous le titre LA MOTHE ROUGE, IMPRESSIONS la SBAP publiait dans un "bulletin de liaison" de 1986 le compte-rendu d'une sortie dominicale chez Geneviève et Jean Callerot.
LA MOTHE ROUGE, IMPRESSIONS
Le chevalet solidement planté, le pinceau affûté, l'œil vif sous les
paupières mi-closes, quelques peintres du Groupe de Travail de la Société des
Beaux-Arts affrontent la lumière éclatante de cette matinée d'août. Nous sommes
à la Mothe Rouge*, invités chez Geneviève et Jean Callerot pour l'une de nos
trop rares "sorties sur nature".
L'accueil chaleureux des maîtres de maison, l'imposant équilibre des
lieux encadrés d'arbres centenaires, la caresse frémissante de l'ombre sur un mur
meurtri, un soufle de vent, tout incite au plaisir simple de goûter l'instant
qui passe et au désir de "bien peindre", comme pour saisir enfin
l'impalpable et fixer l'éphémère.
Nous sommes venus en famille avec épouse ou mari et les rires des
enfants sont autant de touches transparentes et colorées que l'on voudrait
pouvoir poser sur le papier. Sur la terrasse où l'on prépare le déjeuner le
soleil joue à contre-jour. Chemisiers rouges et chapeaux blancs vibrent dans
l'air argenté. Ah ! Etre Monet, Renoir ou Pissarro !
A l'heure du pineau, après avoir confronté nos œuvres du matin, nous
découvrons les derniers pastels de Jean Callerot : composition hardie, richesse
des couleurs, vigueur de la matière. Tout ce qu'il faut pour faire un Prix
Périgord !
Le déjeuner pris sur la longue table improvisée à l'ombre d'un magnolia
séculaire sera le temps fort de cette journée. Il y a près d'une trentaine de
convives et, la bonne humeur aidant, les "paniers" apportés par
chacun seront vite épuisés. Geneviève Callerot, l'auteur des "Cinq filles
du Grand-Barrail" qui sait combien l'air de la Double ouvre l'appétit,
complètera généreusement ce repas.
Pensées profondes ou anecdotes légères, la conversation roule encore
quand nous décidons de descendre à l'étang.
Le fameux étang ! Au bout du pré, dans le bois, il est là dans son écrin
de verdure, paisible comme tant d'autres étangs de la Double, mais unique
pourtant car nous le reconnaitrions entre tous. Les pastels de Jean Callerot
nous en ont fait apprécier les mille aspects : jaune et bleu au ciel de
juillet, noir sous l'orage, incendié par l'automne ou blanchi par le gel.
Images qu'il faut oublier pour une heure car chacun doit maintenant puiser en
lui-même sa propre vision et la coucher – avec un peu d'eau et quelques couleurs
– sur l'Arche vierge. Qui a dit que l'aquarelle était la plus facile ?
Sur la petite plage d'herbe les "non-peintres" poursuivent
leurs conversations. C'est sur la digue ombragée que les artistes
"souffrent". Ah ! Etre Corot ou Cézanne !
La lumière rosit insensiblement, les ombres s'allongent sur l'eau ocre
et tiède. Une dernière touche… Mais n'est-elle pas déjà de trop ?
Nous ne quitterons pas la Mothe Rouge sans avoir visité l'immense jardin
de Geneviève Callerot. Il nous faudra même emporter – avec plaisir – un peu de
sa récolte.
Un dernier verre, un dernier au revoir, un dernier regret de voir
s'achever une journée trop courte…
L'amitié avait ce jour-là le parfum de résine et d'herbe coupée qui
flottait sur la Double.
C'était au plein cœur de l'été, le 4 août 1985.
Merci Geneviève. Merci Jean.
Marcel Pajot
* La Mothe Rouge est située
sur la commune de Sainte-Aulaye